/ 2013 / Portraiture / Family

Amalth?e

Amalthée
Ce travail, dont le titre est tiré du nom de la chèvre qui a allaité
Zeus enfant dans la mythologie grecque, a consisté à
photographier, dans le cadre intime de mon studio, des mères
aux personnalités et aux physiques différents en train d’allaiter
réellement leur enfant. Il se veut un hommage photographique
à cet acte universel qu’est l’allaitement maternel, tout en
empruntant des références à la peinture de la renaissance
italienne ou hollandaise. Référence, faite également, à la
sensualité qui régit la plupart des peintures religieuses dès le
Moyen Age, celles-ci ayant été souvent proches des sujets
profanes par l’introduction de poses suggestives et de l’usage
des nus.
En revisitant cette icône de la vierge allaitant, qui a été un
thème central et récurrent de la peinture du 15ème au 17ème
siècle au point d’avoir marqué notre inconscient collectif,
j’essaye de questionner les processus de représentation et
d’incarnation d’une telle image archétypale par des vraies mères
d’aujourd’hui, à qui je demande d’être dans un « hors soi » tout
en vivant pleinement un lien privilégié et un moment intime
avec leur enfant.
L’un des objectifs ce travail, est de révéler l’universalité de ce
geste en suggérant un sentiment d’intemporalité : en ôtant
toute trace de contemporanéité, en débarrassant chaque mère
de tout ce qui permettrait d’identifier un temps et un lieu, je me
concentre sur la relation mère/enfant et sur la beauté et
l’émotion qui se dégage de ce moment d’allaitement. Pour cela,
j’utilise, de façon minimaliste, de simples voiles et drapés, pour
évoquer l’idée de l’intemporel et gommer les différences
identitaires de ces femmes.
Seul spectateur dans mon studio de cette scène symbiotique, je
guette, fixe et extrais, ainsi, les moments d’états de grâce
furtifs où se révèlent l’ébauche d’un « hors temps » et la
sensation d’un déjà vu pictural. Loin de vouloir plagier ou imiter
telle ou telle représentation d’une vierge allaitante d’après un
modèle spécifique, je cherche à comprendre comment s’opèrent
certains mécanismes introjectifs d’identification, dans le cas
d’assimilation d’images aussi simples et aussi puissantes que
celle des Madones de l’iconographie chrétienne.
L’autre intention de ce travail était de questionner ce que la
photographie, en tant qu’outil de transcription du réel, pouvait
apporter d’autre ou de plus que la peinture n’a fait dans la
construction de ce genre d’image et sa capacité à révéler des
détails que les peintres de la renaissance ne voulaient ou ne
pouvaient voir ou représenter.
Georges Pacheco